Arrivée à 9h mais quelques problèmes techniques font que je ne rencontre le directeur qu'à 9h40. Il est plus facile de prendre un avion pour les USA que de rentrer dans une maison d'arrêt. Je suis entrée dans la prison en ayant mes impressions d'Oz en tête. J'ai retrouvé l'atmosphère bruyante et confinée mais je n'entre pas encore dans les quartiers où se trouvent les détenus. Je passe d'abord par les services administratifs et le bureau du directeur. Il me présente à son capitaine et ses lieutenants. Pour ceux qui ne le savent pas, le personnel pénitentiaire a les mêmes grades que dans la police. Le directeur est donc en même temps un commandant. Autant les lieux semblent austères, autant le personnel est très sympathique. En face de moi se trouvent des gens passionnés par leur métier et désireux de me former et de m'apprendre des choses. Comme le dit le directeur, "nous sommes à votre service, vous ferez ce qui vous intéresse le plus, c'est vous qui avez le choix de votre planning". Je n'en demandais pas tant. Pas le temps de le remercier qu'il me parle déjà des audiences, des commissions disciplinaires, des interventions du SPIP (Service de probation et d'insertion) auxquelles il m'est possible d'assister. Mais avant tout chose, je dois prendre mes marques avec les lieux et je commence donc le tour de l'établissement.
Je démarre avec les services purement administratif: le service courrier (tous les courriers des détenus sont lus, sauf ceux destinés aux autorités judiciaires. Le service s'oppose également des mandats, seul moyen de faire parvenir de l'argent aux détenus car les espèces ne sont pas autorisées à l'intérieur de l'établissement), le service de la formation et de l'enseignement (les détenus peuvent prendre des cours par correspondance mais aussi suivre des formations, faire des stages en entreprise …), le SPIP (je dois passer par ce service, j'aurais l'occasion d'entre reparler), la comptabilité (je vais y passer une heure pas plus, juste pour voir à quoi ressemble le budget d'une prison).
Après je passe mon premier portique (haut la main, je ne sonne pas) et enfin une première de ces grosse porte en fer forgée qui s'ouvre avec un bruit de "biiiiiip" (j'avouerais que le bruit m'a fait penser à Oz et j'ai commencé à m'inquiéter un tantinet !). Mais je n'étais pas dans le vif du sujet à proprement parler. Enfin, j'ai fait le parcours du détenu qui arrive pour la première fois dans la maison d'arrêt: tout d'abord on a des toutes petites cellules qui servent de "salle d'attente". Puis on passe à côté pour la fouille (l'intimité se résume à un rideau de douche blanc). Puis on passe au greffe de la prison. C'est le passage obligé de tout condamné car c'est là que l'on procède à la mise sous écrou (on donne au détenu son numéro d'écrou ou encore matricule). Je dois aussi passer dans ce service donc j'en dirais plus plus tard.
Ensuite, je ne fais pas la visite dans l'ordre que le ferait un véritable détenu. Je ressors du greffe et me voilà devant la porte qui me sépare des quartiers ou sections où sont les détenus. Je vais essayer de vous faire une description pour que vous puissiez vous imaginer. Il y a une immense grille en fer forgé noire. Derrière se trouve, ce qu'ils appellent " Le Rond Point ": un bureau rond au centre de la pièce. A sa droite, vue sur la section A: les condamnés. En face, vue sur la section B: les prévenus. A sa gauche, vue sur la section C: les arrivants et les semi liberté. C'est tout à fait le type de prison décrit par Michel Foucault dans Surveiller et Punir (ce fut d'ailleurs ma première pensée quand j'ai vu le système). C'est une prison panoptique: point central, on peut surveiller partout. Chaque section a un rez de chaussée et deux étages. J'ai a peine le temps de me remettre de mastodonte que mon tuteur me dit " On va commencer par le plus gros: les condamnés". Je passe donc cette immense barrière et j'entre dans la section A. Un long couloir avec une multitude de petites porte en bois. Un premier détenu me voit et me demande si je suis infirmière (je me suis un peu sentie Sara Tancredi xD), non sans ajouter "elle est bien, y a rien à refaire". Je demande à visiter une cellule (vide si possible) et là j'entre dans un 9 mètre carré habité par trois personnes. Il faut savoir que je suis dans l'un des prisons les plus surpeuplées de France (environ 200 places et 480 détenus). La législation voudrait que les cellules soient personnelles mais on ne peut pas pousser les murs. Sinon premier étonnement, j'ai découvert que pour 8 euros par cellule (donc 2.5 euros chacun), les détenus pouvaient avoir non seulement la télévision mais le câble ! (Je suis pour l'humanisation dans les prisons mais même moi je me paye pas le câble !) Certains ont même une playstation ! Ils ont également un lavabo (eau froide) et un WC (certes dans un coin de la pièce mais aucune intimité ! Alors que l'on ressort de la section, un détenu vient voir le lieutenant pour demander à être changé de section car il recevrait des menaces de la part d'autres détenus.
Je sors de la section A pour aller dans la section B. Ici se trouvent les prévenus (c'est à dire les personnes qui sont en attente de jugement et dont l'affaire est en cours d'instruction). Même organisation mais tout au fond, une porte débouche sur la cour réservée aux promenades. Les détenus ont le droit à 1h de promenade le matin et 1h30 l'après midi. Après je découvre les cellules disciplinaire, le fameux "trou". Même "confort" que dans les autres cellules sauf que le détenu est seul, il n'a droit qu'à une heure de promenade par semaine, un parloir par semaine (au lieu de 3 logiquement). Le maximum de temps de punition au trou est de 30 jours.
Ensuite, l'Unité médicale et psychiatrique: les détenus ont accès à des infirmières, des médecins, un dentiste, une radiologue et un psychiatre. J'ai demandé à faire un passage chez eux mais là rien est sur vu que c'est un sujet assez sensible. Il faut que j'attende la permission du chef de service !
Et enfin, (pour la matinée, ça a l'air de passer vite comme ça en lisant je sais !), la section C des arrivants. C'est donc là qu'arrivent les détenus. On leur explique le fonctionnement de la prison, on prend le plus de renseignement sur eux (régime alimentaire, traitements, état psychologique). Depuis récemment, ils ont l'obligation de servir un repas chaud dès l'arrivée du détenu. Comme me l'a dit le surveillant, c'est la "vitrine de la prison". Et en effet, les cellules sont plus "accueillantes" et plus grandes que celles des autres sections. C'est pour habituer doucement le détenu à son nouvel environnement et cela permet au personnel de le jauger pour savoir où le placer. De plus, ce surveillant, qui était très passionnant et passionné dans ses explications, s'occupe de recevoir les demandes (plus ou moins bien formulées) des détenus et c'est un peu lui qui se prend tout dans la poire. Il gère le crédit téléphone et les bons "cantine" (les détenus peuvent acheter un peu de nourriture, du tabac et produits de première nécessité, c'est ce que l'on appelle la cantine. Pour lutter contre la pauvreté, l'état alloue un crédit de 20 euros par détenu qui n'aurait pas les moyens). Ce monsieur minimisait son travail et avait un peu l'air de complexer face à ma licence de droit alors qu'il était passionnant et que son travail ne doit pas être le plus simple de la prison. D'ailleurs, le lieutenant m'a précisé après que l'on ne choisissait pas n'importe qui pour s'occuper des arrivants.
Pause
Parloir avec les familles: Les détenus condamnés ont le droit à 3 parloirs par semaine alors que les détenus prévenus (non jugés) ont le droit à 2 parloirs par semaine. Ils durent 45 minutes. Alors les familles arrivent à la porte de la prison, elle doivent présenter une pièce d'identité. Ensuite, elle passe par un portique et les sacs passent aussi aux rayons X. Si le portique sonne plus de trois fois sans que l'on puisse expliquer pourquoi, la personne ne peut pas accéder aux parloirs et elle est raccompagnée à la porte de la prison. J'ai été déconcertée par l'attitude de certaines familles: soit elles sont irrespectueuses envers les surveillants, soit elles viennent là comme si elles allaient à la boulangerie. J'avais du mal à comprendre pourquoi tout le monde se pressait comme si il y avait un temps imparti mais en fait, les rendez vous pour les parloirs se font sur une seule machine. Les familles peuvent prendre des rendez vous sur 3 semaines. Sachant qu'il n'y a que 15 détenus par parloir, c'est un peu le premier arrivé qui est le premier servi ! La pièce du parloir est divisé en petits box avec une petite table et des chaises. Il y a également une salle à coté avec des jeux pour les enfants. La surveillante m'explique qu'il n'y a pas de parloir conjugal. Elle me raconte également des anecdotes: beaucoup de femme qui n'ont pas la force (ou qui se font menacée) de quitter leurs conjoints en prison racontent que ce sont les surveillants qui les empêchent de venir.
Bureau des chef de détention: on me présente les différents logiciels GIDE, CEL, lettres de réclamation, enregistrement vidéo, choix des détenus auxiliaires.