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There's no place like Oz

There's no place like Oz
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6 septembre 2012

Jour 8 - Legs

Le vendredi, c'est beaucoup d'administratif. Vu que je remplace le secrétaire de la détention, je dois préparer toute la paperasse pour les commissions du lundi. Je vais vous passer les détails. Moi personnellement, j'aime beaucoup (en même temps, quand on se lance dans le droit, on a intérêt à aimer un tantinet la paperasse). Et puis avoir fait tous les papiers, je dois les dispatcher dans les quatre coins de la prison donc je vais mon sport de la semaine au passage. 

 

Ah je peux en profiter pour vous expliquer comment se passent les déplacements dans la prison. Le clichés du surveillant avec tous les clés est à moitié vrai. En fait, ils ont bien des clés sur eux mais il y a une sécurité: au bout d'un moment, ils sont bloqués. Ils ne peuvent pas avoir toutes les clés sur eux. De plus, je ne sais pas si vous vous rappelez de mon entrée dans la prison … Il y a la grille principale pour accéder à la détention puis après chaque grille pour accéder aux différentes sections. Toutes ces grilles sont électriques et c'est le surveillant du rond point qui les ouvrent. Donc soit il nous voit et il n'y a pas de problème, soit il nous voit pas et je poireaute. Parce que les surveillants ont des espèces talky-walky et ils peuvent demander l'ouverture des portes. Mais moi j'en ai pas ! Enfin, la coutume semble d'être de hurler " LA PORTE A MERCI" mais je n'ai pas une voix qui porte et je n'ose pas crier (la prison est déjà bien assez bruyante). Donc je passe pas mal de temps à attendre qu'on me voit au final xD. 

 

Tant qu'on en est à parler de mouvement, peut-être que la journée type d'un détenu pourrait vous intéresser: 

 

6h45: Appel - Réveil

7h15: Petit déjeuner 

7h45: Entretien des cellules, hygiène corporelle

8h45 / 11h30: Promenades (1h) et activités diverses

11h30: Retour cellule - Déjeuner 

 

14h00 / 17h30: Promenade (1h30), sport, activités diverses

17h30: retour cellule - Dîner

18h45: Appel - Fermeture 

 

On voit bien que si le détenu se débrouille bien, il peut passer la journée hors de sa cellule. Bon, c'est loin d'être comme dans Oz. La plupart des détenus restent en cellule. 

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29 août 2012

Jour 7 - God’s Chillin

Tous les 15 jours et les jeudis, il y a réunion de la CAP (Commission d'Application des Peines) et j'ai eu la chance d'y assister. Alors la CAP est présidée par le Juge d'Application des Peines (pour les non juristes, ce sont ces juges qui s'occupent de tous les condamnés et de la gestion de leur peine: les aménagements ou réduction de peine, la décision de placer sous bracelet électronique mais aussi les permissions de sortie entre autre). En ce qui concerne la CAP à l'intérieur d'une prison, elle statue sur les permissions de sorties et les crédits de réductions de peine dont j'ai déjà parlé. A côté de la juge siège la vice procureur de la République. Il y a également des membres du SPIP, le chef de la détention et le chef d'établissement (et exceptionnellement, moi !). 

 

Dans le jour 3, je vous ai expliqué le système de crédits de réduction de peine qui sont automatiques. Eh bien là ils peuvent être retirés. Les personnes passées en commission de discipline devant le chef d'établissement passent devant la CAP. La juge d'application des peine et la vice procureur ont été plus répressives que le chef d'établissement (et plus justes selon moi). Donc le système assez honteux (selon moi) que je vous ai exposé dans le jour 3 trouve quand même une balance et une certaine justice. En plus des crédits de réduction de peine, la juge doit se prononcer sur les permissions de sorties. En parlant avec ma famille, j'ai vu qu'il y avait beaucoup d'idées reçues et de méconnaissance de ce que sont vraiment les permissions de sortie. Alors les détenus peuvent demander, si bonne conduite, de sortir hors des murs de la prison. Il y a différents motifs pour pouvoir sortir: 

 

Art D.143: Présentation à des employeurs, présentation à des épreuves d'un examen, présentation dans un centre de soin, accomplissement de toute formalité requise par l'autorité militaire, sortie pour la pratique d'activité culturelles ou sportives organisées, comparution devant une juridiction judiciaire.

 

Art D.144: A l'occasion des circonstances familiales graves

 

Art D.145: En vu du maintien des liens familiaux  ou de la préparation à la réinsertion

 

De plus, il faut déjà avoir exécuté le tiers de sa peine pour pouvoir demander une permission de sortir. Les permissions peuvent être de quelques heures jusqu'à 3 jours. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, il n'y a aucune pose de système de tracabilité. Les prisonniers sont totalement livrés à eux même lorsqu'ils quittent la prison. C'est un système qui repose sur la confiance. Et lorsqu'ils ne réintègrent pas au bout de 48h, ils sont en état d'évasion. Il y a donc bien plus d'évasion (au sens juridique du terme) que l'on peut imaginer !

26 août 2012

Jour 6 - 4 Giveness

Une première semaine à Oz de passée !

 La matinée est passée à faire les courriers et ce que j'ai expliqué dans le post d'hier. De plus, on m'apprend que ça sera à moi de m'occuper de la constitution des dossiers de commission de discipline. Il faut encore 150 000 documents en 150 000 exemplaires car en plus du personnel de la prison, il faut envoyer les documents au Juge d'Application des Peines (si c'est un détenu condamné) ou au Juge d'Instruction (si c'est un prévenu) mais aussi au Procureur de la République (qui pourra choisir de poursuivre si l'infraction est grave). 

 

Ensuite, j'assiste (pour la dernière fois en tant que spectateur, après je serais secrétaire) à une autre commission de discipline. Le premier détenu a été vu via caméra de surveillance en train d'agresser un autre détenu. Il nous explique qu'avant la prison, il faisait du "business" et qu'il a eu un accident pour lequel il a du se déplacer en fauteuil roulant pendant quelque temps et qu'une personne en a profité pour voler sa marchandise et reprendre le trafic a sa place. Mais manque de bol, ils se retrouve ici 4 ans après et les rancunes ont la vie dure. Il faut savoir que ce détenu a 18 ans et qu'il a déjà un dossier procédural gros comme un tome de Game of Thrones datant de sa minorité. 

 

Le deuxième détenu est là pour avoir fait un yoyo et insulté un agent. Alors qu'est ce qu'un yoyo en prison ? Les détenus utilise des draps, de la ficelle, du fil qu'il leste avec au bout une fourchette plié et avec ce système, ils arrivent à récupérer des "missiles" qu'envoient les familles par dessus les murs de la prison et qui arrivent dans la cour. Ou alors ils envoient le yoyo à la fenêtre d'une autre cellule et ils se font passer des choses comme cela de cellules à cellules … Eh on a pas d'pétrole mais on a des idées ! Quand on y pense, ils n'ont que ça à faire de leurs journées ! 

 

Pour le troisième détenu, c'est une évasion. En fait, la personne était en semi liberté, c'est à dire qu'il sortait de la prison a des heures prévues soit pour aller travailler ou  pour la recherche d'emploi et celui-ci n'est pas revenu. En fait, au bout d'une heure de retard, ils font la diffusion de l'identité du détenu manquant auprès des commissariat et au bout de 48 heures, le détenu est en état d'évasion. Ici, le détenu explique qu'il n'était pas prêt à sortir et qu'il a mal supporté la liberté. C'est sa mère qui a appelé la police pour qu'on vienne le remettre en prison. Il écope de 3 jours de quartier de détention fermes. 

 

L'après midi, c'est encore de l'administratif, sauf sur un point. On me propose de sortir de la prison pour faire le tour. En fait, régulièrement les agents vont à l'extérieur dans la cour d'une école maternelle pour voir s'il n'y a pas des gens qui lancent des missiles. Les familles ou amis de détenus montent sur le toit d'une école pour lancer des choses aux détenus. Ils menacent même des personnes âgés dont les toits sont adjacents à la prison pour aller y jeter des choses. 

23 août 2012

Jour 5 - A Failure to Communicate

Aujourd'hui, c'est beaucoup d'administratif. Le responsable du Bureau Général de la Détention m'explique qu'il va partir en congés et donc il m'explique très en détail ses attributions. Je pensais qu'il voulait me voir avant de partir mais bien vite, je comprends que je suis là pour prendre beaucoup de notes car en son absence, je ferais son boulot ! Enfin, il me demande mon avis mais je suis ravie parce qu'un mois d'observation, c'est un peu long. 

 

Dans ses attributions, il y a la gestion du courrier des détenus. Il faut les trier et les donner aux personnes concernées. Mais ensuite, il faut vérifier s'il y a des personnes libérables et des placements sous surveillance électronique. Je vérifie ça via un logiciel "GIDE" qui gère toute la détention. S'il y a des libérables ou des placements, je dois transférer les dossiers du bureau de la détention au bureau du greffe. Après cela, je fais le tour des différentes sections pour récupérer le reste du courrier. Voilà donc la tâche que je fais effectuer tous les matins. 

 

Ensuite, dans mes attributions, il y aura l'établissement des listes pour les différentes commissions. Tous les lundis, il y a la Commission Pluridisciplinaire Unique dont j'ai parlé hier. Mais il faut préparer les dossiers et les listes. Cela sera également mon rôle. En gros, le vendredi matin je dois sortir la liste des nouveaux arrivants de la semaine. Ensuite, j'établis la convocation que je dois imprimer en 13 exemplaires pour les différents services concernés. Dis comme cela ça semble peu mais il y a pas mal de manipulation à faire et surtout, c'est un travail minutieux. Il ne faut pas oublier de détenus ou convoqués de mauvais détenus et surtout transmettre les listes à tout le monde. Bon, en soi si une erreur est faite, ça ne va pas changer la vie d'un détenu. Je n'ai pas la vie d'une personne entre mes mains mais une erreur peut se répercuter sur pas mal de services. Et cette opération est à renouvelé 3 fois (vu que j'ai expliqué que la CPU réuni trois réunions en une). Donc oui un peu de responsabilité (et la déforestation en Amazonie, c'est à cause de l'administration française). 

 

L'après midi, j'ai enfin l'occasion de passer du temps au service psychiatrie de la prison pour assister à des entretiens. Peut être que certains seront étonnés de voir que j'ai pu assisté à des séances entre le détenu et sa psy. Avant le début de chaque entretien, la psychologue a demandé au détenu si ma présence le gênait et aucun n'a voulu que je sorte du bureau. 

Le premier détenu a été condamné à 14 ans pour viol sur ses belles filles mineures. Alors normalement, il n'y a pas de peine aussi longues mais le détenu a subi des humiliations et des viols dans cette prison, il devait être transféré dans un centre plus grand mais ses agresseurs (condamnés pour leurs actes) font leur peine de cet autre centre, alors il est resté ici. Il est ici car sa femme a demandé un abandon d'enfant pour leurs fils de 3 ans alors qu'elle en attend un autre ! Elle a en tout 8 enfants et le détenu nous précise qu'elle fait ça pour les allocs. Lui refuse l'abandon de l'autorité parentale. Mais en même temps, il refuse également de se nourrir. Il voit cela comme une façon de se punir pour ce qu'il a fait et pour se détruire au passage. Après son départ, la psy me parle un peu de lui et je demande s'il se rend compte de son acte sur ses belles filles. Elle me répond qu'au départ non. Ce n'est qu'après s'est fait violé lui-même en prison qu'il a commencé à avoir de l'empathie envers ses victimes. 

 

Le deuxième détenu est là car il prend un traitement contre le stress (traitement qu'il avait déjà avant la prison) et il voudrait quelque chose de plus fort. C'est un détenu qui m'a touché non pas par une histoire mais son attitude. Il a répété plusieurs fois qu'il voulait faire sa peine tranquille, qu'il voulait faire une formation espace vert parce qu'il travaillait à la ferme avec sa mère au dehors. Dès que la psychologue lui a expliqué que s'il passait à un traitement plus fort c'était du prozac ou xanax, on dirait qu'il a pris peur. Il a tout de suite dit qu'il voulait pas tomber dans les cachets. Il est tombé pour du cannabis et il s'est sevré lui-même. Pendant l'entretien, il a toujours été très souriant, plein d'optimiste. C'est pour le moment le deuxième détenu qui m'a fait penser: la prison sert et il s'en sortira. 

 

Le troisième détenu est venu voir la psychologue car il ne peut pas sortir de sa cellule. Les plus faibles psychologiquement subissent des pressions de la part des caïd surtout pour faire du trafic à leur place. Ce détenu explique qu'il veut faire sa peine tranquille et surtout ne plus jamais revenir en prison. Mais il supporte mal la pression. 

22 août 2012

Jour 4 - Works of Mercy

Le lundi, il y a un rapport de détention général avec tous les chefs de services (détention, SPIP, compta …). Rien à signaler. Par contre, au retour du rapport, on entend une alarme retentir dans toute la prison. Il y a un problème en section B. On me fait entrer en section A et toutes les sections sont bouclées. Au final, c'était un détenu dans le quartier disciplinaire qui a mis le feu a son matelas. Il faut savoir que l'on a le droit de fumer dans les cellules et les détenus peuvent avoir des briquets sauf en quartier disciplinaire. Mais ils sont accès à un allume cigare. C'est comme cela qu'il a réussi à mettre le feu à son matelas. Il y a des nouveaux matelas en polyester. Je les pensais non inflammables mais on m'a expliqué qu'ils sont simplement plus long à se consumer. En tout cas, dans les minutes qui suivirent, les pompiers étaient là et le blocage total de la prison a été vite levé. 

 

L'après midi est consacré à la Commission pluridisciplinaire unique. C'est trois réunion en une seule. On y voit les placements des arrivants dans les différents quartiers mais aussi la liste des indigents et enfin les classements (travail). 

 

En ce qui concerne les placements, le SPIP (Service d'insertion et de probation) ainsi que les psy donnent leurs avis. Si le détenu est faible ou à surveiller, il est mis en CCR. Ce sont les détenus à surveiller ou à ne pas faire sortir avec les autres. Le plus souvent ce sont des détenus faibles psychologiquement ou qui sont là pour moeurs (tout ce qui est viol, agression sexuelle). Ce que l'on voit dans les séries est vrai: les pointeurs (personne condamnée pour moeurs) ne sont pas en sécurité en prison. Ils sont tous coupables mais il y a une hiérarchie en eux entre les délits commis. Il y a un an, un homme condamné pour avoir violer ses belle filles (mineures) a été violé par deux détenus (via bâton dans le fondement). Ils ont été condamnés et transférés dans une autre prison. 

 

Après il y a les indigents. Cela concerne la lutte contre la pauvreté: l'état octroie une aide de 20 euros a toute personne considérée comme indigente. Il y a quelques critères: il ne faut pas avoir refuser une demande de formation ou de travail sinon l'aide pour indigence ne fonctionne plus. 

 

Pour finir, il y a le cas des demandes de travail à l'intérieur de l'établissement. Il faut savoir qu'il faut attendre un mois après son arrivée pour formuler une demande et que ce n'est plus possible à 3 mois de la fin de la peine. Il y a également 3 mois d'attente après un rapport d'incident ou une commission disciplinaire.

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20 août 2012

Jour 3 - To your health.

Toujours début de journée qui commence avec le rapport de détention. Plus long qu'hier car il y a eu deux incidents dans la journée d'hier et également deux dans la nuit. De plus, le directeur doit composer avec le sous effectif actuel. Ensuite, je suis celui-ci lors de trois Commission de Discipline. Le premier détenu s'est fait prendre avec un téléphone qu'il aurait trouvé dans une poubelle. Remarque du directeur: c'est comme le cannabis, ça pousse dans la cour ou dans les poubelles. Le détenu préfère rigoler. Personne n'est dupe, on sait très bien que c'est du trafic. D'ailleurs, il le dit lui même: "je m'excuse pour ce que j'ai fait mais c'est le business" (enfin je corrige les nombreuses faute de français. Il était auxiliaire (il travaillait dans la prison) et à cause de cela, il est déclassé: il perd son emploi. On lui donne également 15 jours de quartier disciplinaire avec sursis. Il faut avoir en tête que cela aura aussi des conséquences sur sa peine de prison. En effet, le dossier passera en Commission d'Application des Peines (sous la présidence du juge d'application des peines) et son CRP (crédit de réduction de peine sera surement modifié). 

 

Je pense qu'il est utile d'expliquer un mécanisme surement méconnu d'un profane du droit. Dès leur arrivée, les détenus obtiennent un crédit de réduction de peine (CRP). On enlève automatiquement 7 jours sur la peine par mois, ce qui fait 3 mois par an la première année. On passe à 2 mois les autres années. En cas de récidive, c'est 5 jours par mois (donc 2 mois par an la première année et un mis les autres années). Si vous avez peur d'avoir compris, je résume par un cas concret: j'ai vu le dossier d'un détenu condamné pour viol sur mineur de moins de 15 ans. Il a été condamné à 4 ans. Eh bien automatiquement avec le système de CRP, il a 9 mois en moins sur sa peine…. quasi un an quand on y pense ! Bien sur, comme vous l'avez vous plus haut, en cas d'incident, de mauvais comportement, on peut retirer ce crédit de réduction de peine. Mais s'il se comporte en détenu modèle, il a 9 mois en moins. Je trouve ce système scandaleux pour ma part. Mais ce n'est pas tout, il y a également les Réductions de Peine Supplémentaire: là c'est décidé lors de commission et il faut vraiment que l'on voit un effort de réinsertion de la part du détenu (via le travail, des cours, contribution pour la partie civile). 

 

Les deux détenus suivants sont là pour agression ou mauvais comportement envers les surveillants. Ils reconnaissent les faits, disent qu'ils sont désolés mais mettent cela sur le compte du ramadan ou de leur impulsivité. Il y en a même un qui dit que les surveillants sont payés pour se faire insulter, qu'il sort en juin 2013 et qu'il attendra le surveillant pour lui faire son compte … Vous auriez du voir la tête déconfite de son avocat. Avocat qui n'a servi à rien ! Il a répété le même argument pendant 10 minutes en le tournant de toutes les façons possible, un vrai baveux. Au final, le 1er détenu verra son sursis (provenant d'une autre commission de discipline) révoqué de moitié (4 jours au quartier de détention) tandis que l'autre aura 5 jours de quartier disciplinaire. 

 

Ensuite, découverte de la cantine ! Alors peut être que comme moi, vous pensez que c'est le lieu de restauration de la prison, eh bien pas du tout. Les détenus mangent dans leurs cellule ! Pas de grand réfectoire comme dans Oz ! La cantine ici prend le même sens que dans l'armée: c'est le lieu où on peut acheter de la nourriture en plus, du tabac … Les détenus ont accès à un catalogue qui contient 600 produits ! J'ai pu voir du Nutella, du Coca, des princes de Lu, du thé mais aussi des ventilateurs, des plaques de cuisson, des chaines hifi, des playstation … Bien sur, les prix sont plus chers que dans le commerce car c'est une société privée qui s'occupe de cela donc elle se faire des marges (sauf sur la presse, timbres et tabac). 

 

Petit marché de la prison: 

1. 37€ la laitue - 1.06€ pour 1.5kg de patates - 2.95€ le kg d'endive - 1.37€ les 250g d'échalote - 2.85€ les 2kg de pommes - 2.06 le kg de tomates - 1.58 la botte de radis - 2€ le kg de courgettes - 0.53 le kiwi et 1.16€ le concombre 

 

Après par grand chose le reste de la journée, ils étaient en sous-sous effectif car une surveillante les a planté en pleine après midi. Mais, même s'il ne me lira pas, je voulais remercier un major qui malgré le gros problème d'effectif a pris énormément de temps pour m'expliquer le fonctionnement des deux logiciels utilisée par l'administration pénitentiaire: le GIDE et le CEL. Il a perdu du temps qu'il n'avait pas pour me former et je tenais à l'écrire ici pour passer l'image des fonctionnaires et pour le remercier car j'ai vraiment apprécié le geste. Et pour ne rien gâcher, c'est quelqu'un d'extrêmement sympathique et drôle. 

16 août 2012

Jour 2 - Losing your appeal

Début de la journée avec le rapport de détention. C'est une réunion entre les différents chefs de section ainsi que le chef de détention. On fait le debriefing de ce qui s'est passé la veille et l'on parle des problèmes internes. Ensuite, je suis le directeur qui va faire des audiences. Ce n'est pas aussi formel que l'on pourrait le penser. En fait, le directeur reçoit des courriers des détenus et il essaye de les rencontrer quand il considère que le problème vaut son attention. Le premier détenu voulait une permission car sa femme va accoucher mais il fait l'objet d'une procédure disciplinaire pour consommation de drogues. On sort pour aller chercher le second détenu pour une audience mais on est arrêté par un incident: au fond du couloir où je me trouve un détenu tente d'agresser un surveillant. Il est vite maitrisé au sol et les renforts arrive rapidement. Il est directement mis au trou. 

 La seconde audience concerne un détenu dont la femme a été prise au parloir avec de l'ail en poudre et du café. Ce sont des produits qui ont une forte odeur et qui permettent donc de masquer l'odeur d'autres substances. La troisième audience est celle d'un détenu qui fait une grève de la faim car selon lui, on traine sciemment à lui faire refaire ses lunettes. Mais le directeur arrive à voir qu'il est habitué des "grèves de la faim" et que c'est son moyen de pression préféré pour obtenir ce qu'il veut. Enfin, la dernière audience: un détenu a écrit une lettre dans laquelle il remercie le directeur et tout le personnel. Il ajoute que la prison lui a permis de réfléchir sur son acte et sur lui-même. De plus, en prison il s'est mis à la lecture et à l'écriture de poésie. Ensuite, lecture du courrier que les détenus adresse au lieutenant. Ce sont surtout des problèmes de cantine, des demandes de changement de cellule mais aussi des demandes moins courante comme de l'eau précieuse. 

 

Pause 

 

A peine la pause est terminée que j'ai l'occasion d'assister au deuxième incident de la journée. Un détenu refuse de changer de cellule. La force n'est pas utilisée mais vu qu'il ne veut pas entendre raison, il va quand même au trou (de son plein gré). J'ai pu assister à l'entretien qu'il a eu juste après avec le directeur. Celui-ci lui a proposé de quitter le quartier disciplinaire et d'intégrer sa nouvelle cellule (puisque de toute façon, il y ira quoiqu'il arrive). Mais le détenu répond quelque chose d'assez étonnant et avec une logique qui lui est propre: il ne veut pas partir du quartier disciplinaire, il a quitté sa copine le matin même exprès et il s'y trouve bien ! Le directeur retente le dialogue et lui repropose de quitter le quartier mais non. 

 Je reste avec le directeur pour gérer un autre incident. La mère du détenu a été prise en train de passer de l'argent liquide (interdit en prison) avec du cannabis dedans. Lorsque l'on dit cela au condamné, il affirme qu'elle n'était pas au courant pour la drogue. On annonce au détenu qu'il sera déclassé (c'était un auxiliaire, un détenu qui travaille dans la prison), qu'il y aura sanction disciplinaire voir enquête du procureur mais il reste calme. Ce n'est que lorsqu'on lui dit que sa maman a été embarquée par la police qu'il fond littéralement en larmes. Le chef d'établissement lui explique qu'avec le drogue, il était de sa responsabilité de prévenir la police. Il n'aura aucune mauvaise parole ou aucun mauvais geste envers le directeur. 

 

Ensuite, je passe avec le Capitaine qui a besoin d'aide pour trier des saisies. Je n'ai jamais vu autant de drogues de ma vie. On ne s'imagine pas tout de qui peut transiter dans une prison. Des portables sont souvent jetés par dessus les murs. Il suffit de monter sur le toit de l'école voisine pour avoir une vue sur la cour de promenade. J'ai vu passer des tonnes de médicaments mais aussi une tondeuse à cheveux, des câbles et clés USB, une brosse à dent transformée en arme avec une lame de rasoir. Après l'effort, le réconfort: direction la cuisine pour boire un café. Quand le capitaine propose, on ne dit pas non (même s'il a essayé de me faire porter le chapeau). Mais j'en profite pour rencontrer le technicien prévention et hygiène qui est en charge de la cuisine. La prison ne produit plus, c'est à dire qu'elle se fait livrer la nourriture par un établissement privé. La cuisine consiste surtout en le stockage et la distribution des repas, le tout étant effectué par des détenus. Les exigences religieuses sont respectées que ce soit pour le régime alimentaire ou même le ramadan. 

 

Fin de la petite "pause" et retour avec le lieutenant qui est en plein "sondage". Tous les jours, les surveillants tapent dans les barreaux des fenêtres pour vérifier si personne n'est en train de tenter de scier les barreaux ! Vigilance constante !! Et puis, comme je l'avais demandé, on m'a prévenu qu'un nouveau détenu arrivait. J'ai pu assister à l'étape du vestiaire. C'est là que l'on fait l'inventaire du détenu, qu'on lui donne son paquetage, qu'on lui retire tout ce qui est prohibé (on le met dans sa "fouille"). Ensuite, le détenu est conduit à la section C qui est le quartier des arrivants. Normalement, il y a un petit entretien dans lequel on explique le fonctionnement de la prison et on jauge la personnalité du détenu mais là, ils avaient affaire à un habitué de la maison donc tout est allé très vite. Mais j'ai pu discuter avec la surveillante. Elle trouve que c'est plus simple d'être une femme dans ce milieu car les détenus sont plus respectueux avec les femmes que les hommes, même si elle m'a avoué avoir reçu des insultes, des crachats, des fruits. Elle m'a aussi décrit une autre façon de fonctionner: elle a travaillé dans un établissement beaucoup plus grand (4000 détenus) et là bas, il y a interdiction d'utiliser les prénoms (même entre collègues et encore moins avec des détenus) alors qu'ici, il y a une certaine proximité. Mais elle vouvoie toujours les détenus. 

Avec elle je fais un tour de garde. Vu qu'il n'y a pas de mirador, ce sont les surveillants qui font le tour de la prison pour vérifier si les murs ne sont pas dégradés ou s'il n'y a pas d'objets. 

15 août 2012

Jour 1 - The Routine

Arrivée à 9h mais quelques problèmes techniques font que je ne rencontre le directeur qu'à 9h40. Il est plus facile de prendre un avion pour les USA que de rentrer dans une maison d'arrêt. Je suis entrée dans la prison en ayant mes impressions d'Oz en tête. J'ai retrouvé l'atmosphère bruyante et confinée mais je n'entre pas encore dans les quartiers où se trouvent les détenus. Je passe d'abord par les services administratifs et le bureau du directeur. Il me présente à son capitaine et ses lieutenants. Pour ceux qui ne le savent pas, le personnel pénitentiaire a les mêmes grades que dans la police. Le directeur est donc en même temps un commandant. Autant les lieux semblent austères, autant le personnel est très sympathique. En face de moi se trouvent des gens passionnés par leur métier et désireux de me former et de m'apprendre des choses. Comme le dit le directeur, "nous sommes à votre service, vous ferez ce qui vous intéresse le plus, c'est vous qui avez le choix de votre planning". Je n'en demandais pas tant. Pas le temps de le remercier qu'il me parle déjà des audiences, des commissions disciplinaires, des interventions du SPIP (Service de probation et d'insertion) auxquelles il m'est possible d'assister. Mais avant tout chose, je dois prendre mes marques avec les lieux et je commence donc le tour de l'établissement. 

Je démarre avec les services purement administratif: le service courrier (tous les courriers des détenus sont lus, sauf ceux destinés aux autorités judiciaires. Le service s'oppose également des mandats, seul moyen de faire parvenir de l'argent aux détenus car les espèces ne sont pas autorisées à l'intérieur de l'établissement), le service de la formation et de l'enseignement (les détenus peuvent prendre des cours par correspondance mais aussi suivre des formations, faire des stages en entreprise …), le SPIP (je dois passer par ce service, j'aurais l'occasion d'entre reparler), la comptabilité (je vais y passer une heure pas plus, juste pour voir à quoi ressemble le budget d'une prison). 

 Après je passe mon premier portique (haut la main, je ne sonne pas) et enfin une première de ces grosse porte en fer forgée qui s'ouvre avec un bruit de "biiiiiip" (j'avouerais que le bruit m'a fait penser à Oz et j'ai commencé à m'inquiéter un tantinet !). Mais je n'étais pas dans le vif du sujet à proprement parler. Enfin, j'ai fait le parcours du détenu qui arrive pour la première fois dans la maison d'arrêt: tout d'abord on a des toutes petites cellules qui servent de "salle d'attente". Puis on passe à côté pour la fouille (l'intimité se résume à un rideau de douche blanc). Puis on passe au greffe de la prison. C'est le passage obligé de tout condamné car c'est là que l'on procède à la mise sous écrou (on donne au détenu son numéro d'écrou ou encore matricule). Je dois aussi passer dans ce service donc j'en dirais plus plus tard. 

 Ensuite, je ne fais pas la visite dans l'ordre que le ferait un véritable détenu. Je ressors du greffe et me voilà devant la porte qui me sépare des quartiers ou sections où sont les détenus. Je vais essayer de vous faire une description pour que vous puissiez vous imaginer. Il y a une immense grille en fer forgé noire. Derrière se trouve, ce qu'ils appellent " Le Rond Point ": un bureau rond au centre de la pièce. A sa droite, vue sur la section A: les condamnés. En face, vue sur la section B: les prévenus. A sa gauche, vue sur la section C: les arrivants et les semi liberté. C'est tout à fait le type de prison décrit par Michel Foucault dans Surveiller et Punir (ce fut d'ailleurs ma première pensée quand j'ai vu le système). C'est une prison panoptique: point central, on peut surveiller partout. Chaque section a un rez de chaussée et deux étages. J'ai a peine le temps de me remettre de mastodonte que mon tuteur me dit " On va commencer par le plus gros: les condamnés". Je passe donc cette immense barrière et j'entre dans la section A. Un long couloir avec une multitude de petites porte en bois. Un premier détenu me voit et me demande si je suis infirmière (je me suis un peu sentie Sara Tancredi xD), non sans ajouter "elle est bien, y a rien à refaire". Je demande à visiter une cellule (vide si possible) et là j'entre dans un 9 mètre carré habité par trois personnes. Il faut savoir que je suis dans l'un des prisons les plus surpeuplées de France (environ 200 places et 480 détenus). La législation voudrait que les cellules soient personnelles mais on ne peut pas pousser les murs. Sinon premier étonnement, j'ai découvert que pour 8 euros par cellule (donc 2.5 euros chacun), les détenus pouvaient avoir non seulement la télévision mais le câble ! (Je suis pour l'humanisation dans les prisons mais même moi je me paye pas le câble !) Certains ont même une playstation ! Ils ont également un lavabo (eau froide) et un WC (certes dans un coin de la pièce mais aucune intimité ! Alors que l'on ressort de la section, un détenu vient voir le lieutenant pour demander à être changé de section car il recevrait des menaces de la part d'autres détenus. 

 

Je sors de la section A pour aller dans la section B. Ici se trouvent les prévenus (c'est à dire les personnes qui sont en attente de jugement et dont l'affaire est en cours d'instruction). Même organisation mais tout au fond, une porte débouche sur la cour réservée aux promenades. Les détenus ont le droit à 1h de promenade le matin et 1h30 l'après midi. Après je découvre les cellules disciplinaire, le fameux "trou". Même "confort" que dans les autres cellules sauf que le détenu est seul, il n'a droit qu'à une heure de promenade par semaine, un parloir par semaine (au lieu de 3 logiquement). Le maximum de temps de punition au trou est de 30 jours. 

 

Ensuite, l'Unité médicale et psychiatrique: les détenus ont accès à des infirmières, des médecins, un dentiste, une radiologue et un psychiatre. J'ai demandé à faire un passage chez eux mais là rien est sur vu que c'est un sujet assez sensible. Il faut que j'attende la permission du chef de service !

 

Et enfin, (pour la matinée, ça a l'air de passer vite comme ça en lisant je sais !), la section C des arrivants. C'est donc là qu'arrivent les détenus. On leur explique le fonctionnement de la prison, on prend le plus de renseignement sur eux (régime alimentaire, traitements, état psychologique). Depuis récemment, ils ont l'obligation de servir un repas chaud dès l'arrivée du détenu. Comme me l'a dit le surveillant, c'est la "vitrine de la prison". Et en effet, les cellules sont plus "accueillantes" et plus grandes que celles des autres sections. C'est pour habituer doucement le détenu à son nouvel environnement et cela permet au personnel de le jauger pour savoir où le placer. De plus, ce surveillant, qui était très passionnant et passionné dans ses explications, s'occupe de recevoir les demandes (plus ou moins bien formulées) des détenus et c'est un peu lui qui se prend tout dans la poire. Il gère le crédit téléphone et les bons "cantine" (les détenus peuvent acheter un peu de nourriture, du tabac et produits de première nécessité, c'est ce que l'on appelle la cantine. Pour lutter contre la pauvreté, l'état alloue un crédit de 20 euros par détenu qui n'aurait pas les moyens). Ce monsieur minimisait son travail et avait un peu l'air de complexer face à ma licence de droit alors qu'il était passionnant et que son travail ne doit pas être le plus simple de la prison. D'ailleurs, le lieutenant m'a précisé après que l'on ne choisissait pas n'importe qui pour s'occuper des arrivants.  

 

Pause

 

Parloir avec les familles: Les détenus condamnés ont le droit à 3 parloirs par semaine alors que les détenus prévenus (non jugés) ont le droit à 2 parloirs par semaine. Ils durent 45 minutes. Alors les familles arrivent à la porte de la prison, elle doivent présenter une pièce d'identité. Ensuite, elle passe par un portique et les sacs passent aussi aux rayons X. Si le portique sonne plus de trois fois sans que l'on puisse expliquer pourquoi, la personne ne peut pas accéder aux parloirs et elle est raccompagnée à la porte de la prison. J'ai été déconcertée par l'attitude de certaines familles: soit elles sont irrespectueuses envers les surveillants, soit elles viennent là comme si elles allaient à la boulangerie. J'avais du mal à comprendre pourquoi tout le monde se pressait comme si il y avait un temps imparti mais en fait, les rendez vous pour les parloirs se font sur une seule machine. Les familles peuvent prendre des rendez vous sur 3 semaines. Sachant qu'il n'y a que 15 détenus par parloir, c'est un peu le premier arrivé qui est le premier servi ! La pièce du parloir est divisé en petits box avec une petite table et des chaises. Il y a également une salle à coté avec des jeux pour les enfants. La surveillante m'explique qu'il n'y a pas de parloir conjugal. Elle me raconte également des anecdotes: beaucoup de femme qui n'ont pas la force (ou qui se font menacée) de quitter leurs conjoints en prison racontent que ce sont les surveillants qui les empêchent de venir. 

 

Bureau des chef de détention:  on me présente les différents logiciels GIDE, CEL, lettres de réclamation, enregistrement vidéo, choix des détenus auxiliaires. 

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